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suite de l’article « A qui appartient le monde. »

J’ai décidé aussi qu’une partie de ce travail sera réservée aux immigrés qui vivaient seuls et que j’ai eu le plaisir de côtoyer durant la période de mon activité professionnelle, et qui ont fait le choix, ils n’ont pas fait le choix d’émigrer, ce statut leur a été imposé par les circonstances économiques de leur pays d’origine, pour subvenir aux besoins de leurs familles. Ils ont opté pour l’option de vendre leur force de travail, le choix est de ne pas faire venir leurs familles au pays d’accueil, pensant ainsi préserver leurs enfants des risques d’échec et de pertes des points de repère socio-culturels qu’ils ont acquis dans leur pays d’origine. Ils ont pris la résolution de vivre à distance de leurs femmes et enfants, préférant ainsi supporter le poids de la solitude et de la séparation et éviter à leurs enfants de devenir comme ceux des immigrés qui ont opté pour le regroupement familial. Ce qu’ils considèrent à tort ou à raison comme un échec.
Ils admettent malgré tout que leur vie loin de leurs familles est très difficile, mais c’est le prix à payer pour garantir à leurs enfants de demeurer dans le giron de la famille et de leurs origines « Je ne veux pas que mes enfants vivent loin du pays. Ici je n’aurai pas le temps de m’en occuper, alors ma femme est restée avec eux au pays, et moi je rentre pendant la période des congés et c’est suffisant pour le moment ». Ils ont accepté de donner en sacrifice leurs vies affective et sentimentale et leur rôle de père en échange du statut de l’immigré qui doit vivre loin de sa famille et seul dans une sorte d’éloignement forcé afin d’assurer le bien être et la promotion sociale des siens, sans avoir un jour le regret d’avoir raté l’éducation de ses enfants. Ils ont accepté cette vie sans savoir que les années qu’ils vont passer dans leur pays d’accueil vont transformer leur vie en exil dont personne ne va se rendre compte du poids. Exil qui va les rendre invisibles et qui va modifier leurs relations avec les enfants et les membres de leurs familles restés au pays. Ils ont accepté que l’émigration déstructure leur vie et leur inflige un mode de vie de nomades. La relation à distance est devenue le mode le plus approprié pour maintenir leur rôle de chef de famille.
Pour rester ancrés à leur identité et aux traditions du pays, pour y retrouver leur place le jour ou ils décideront d’y reprendre leur vie d’avant, ils ont décrété de ne pas faire l’effort de s’adapter a leur nouveau pays de travail, ni d’apprendre la langue. Toutes les études réalisées dans le but de comprendre le mode de vie de ces personnes venues d’ailleurs et la relation qui les lie à leur pays ainsi que la nature des rapports qu’ils entretiennent avec leur familles, ont montré le déchirement qui s’est opéré de part et d’autre.
Je vais essayer de développer, en espérant réussir cet exercice complexe, le principe de la double appartenance socio-culturelle et identitaire.
Qu’este ce que la double appartenance identitaire.?
Les enfants issus de mariages mixtes ou nés dans un pays ou les repères socio-culturels sont différents de ceux des pays de naissance de l’un ou des deux parents, ont une appartenance identitaire et culturelle double. Ils acquièrent la forme de la personnalité d’enfant avec son une identité qui s’affirme malgré la différence socio-culturelle qu’ils renferment en eux.
Cependant tenter de définir et d’expliquer ce processus est une gageure et un exercice des plus difficile, cela demande des connaissances, ou tout au moins la maitrise des éléments qui relèvent de l’ethnologie. Toutefois pour comprendre le phénomène et le cerner de manière plus intelligible, Il faut revenir à l’histoire de l’émigration, ou ce que l’on appelle aujourd’hui la mobilité des personnes. Mais les deux vocables sont de significations différentes et ne donnent pas lieu aux mêmes constats.
La mobilité et son influence sur la formation de l’identité.
La mobilité est un mouvement de départ avec un projet d’installation qui peut aboutir à une assimilation , il est l’aboutissement d’une démarche préparée et assumée et qui peut être expliquée aux enfants qui à leur tour l’intègrent et l’assument et peuvent la considérer comme une base d’équilibre pour leur projet de vie, et la construction de leur nouvelle identité, en considérant les repères socio-culturels de leurs parents comme un élément constitutif de l’histoire de ces derniers, et qui n’ont pas eux en tant que descendants à en assumer l’héritage.
L’émigration par contre est un mouvement de déplacement souvent à titre temporaire, ou tout au moins ce que l’on peut penser, et pour des raisons plus économique que d’installation. Dans la plupart du temps l’émigration renferme un projet de retour au pays. Cet aspect de l’émigration interdit de manière indirecte et souvent insidieuse la rupture du lien avec la famille et le pays, car elle ne repose que sur une intention de récolter un capital financier pour le réinvestir dans un projet au pays. Ainsi le retour et le réinstallation deviennent le seul projet qui vaut d’être vécu et pour lequel des sacrifices doivent être consentis de part et d’autre. La famille restée au pays, oblige le candidat à l’émigration à se tenir dans une situation d’entre deux et l’empêcher indirectement d’oublier le projet du retour.
Après un temps de solitude, de séparation et de vie de père célibataire, certains décident de faire venir femmes et enfants, question de rompre cette solitude qui commence à peser et de retrouver une sorte de vie de famille.
Toutefois la vie de famille dans le pays d’accueil ne ressemble en rien à la vie de famille au pays. dans le pays d’accueil les familles ont tendance a se replier sur elles mémés et organisent leur vie en vase clos, entretenant ainsi une distance entre elles et le reste de la société. Elles empêchent ainsi les enfants d’avoir des amis et de se projeter dans la pays d’accueil et de s’investir dans une vie scolaire laborieuse, ils sont maintenus dans une logique de retour et grandissent dans une société qui leur demeure étrangère et développent leur appartenance a une identité dont les rudiments leur sont transmis par les parents. La logique du retour au pays et la réintégration de la société d »origine des parents , interdit par ricochet aux enfants de construire des projets de vie dans le pays de résidence et abandonnent très vite l’idée de construire une vie commune avec leurs camarades de classe, ou leurs copains de quartier. Ils s’interdisent instinctivement l’idée même de s’identifier au pays de résidence , ou la majorité, pour ne pas dire la totalité d’entre eux ont vu le jour.

MBA expert en politiques publiques et politiques sociales

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