Dix ans après que reste t il du printemps arabe, dont la première étincelle est parti de la Tunisie.
Ce pays qui fut appelé le berceau de ce printemps qui au bout de dix ans de tergiversations poltiques et partisanes, s’est transformé en hiver glacial qui gèle les volontés et les espoirs de ceux et celles qui avaient risqué leurs vies.
Tous ceux et toutes celles qui avaient occupé les rues pendant des mois pour clamer haut et fort leur desir de liberté , de justice et d’équité, se rendent compte aujourd’hui que leur révolution leur a été confisquée.
La révolution qu’ils ont voulu de la dignité , est devenue le symbole de l’indignité, de l’humiliation et de l’abandon de tout espoir de voir un jour la situation s’améliorer.
La main mise des forces obscures qui ont hypothéqué l’avenir de ce projet populaire et ambitieux, ont pris le dessus
Faire ressurgir du passé une histoire que nous avons cru révolue. Ils ont éveillé les instincts tribaux, les velléités des plus forts d’écraser les faibles et les démunis. Ils ont livré le pays à un populisme rétrograde dans ses formes les plus primitives.
Cette magnifique expérience de la plus jeune démocratie, comme l’appellent certains, dans un monde secoué par l’obscurantisme et la bigoterie, est devenue dix ans après une « démo-théocratie »
Dans un entretien accordé le 11/01/2021 au journal « Marianne » le politologue et écrivain « Hamadi Redissi » nous livre cette réflexion à propos de la révolution Tunisienne, elle est glaçante de lucidité et de clairvoyance :
« Aujourd’hui, la Tunisie est au bord de la rupture. Plus rien ne va. Sa modernité pâlit, son économie s’écroule, son tissu social s’effiloche, ses valeurs vacillent. L’Etat même, cet héritage multiséculaire est atteint dans ses fonctions les plus élémentaires. Ce qui explique la résurgence des conflits tribaux qu’on pensait relever du passé de l’Afrique du Nord. On se demande alors si la démocratie n’est pas un épisode dans le long cycle de désordre décrit par l’historien Ibn Khaldoun (1332-1406) qui aura vu l’arrière-pays prendre d’assaut la ville.. »
Il continue à nous livrer sa pensée dans les termes suivants, comme pour nous confirmer que la transition démocratique tant sublimé par les observateurs ne fût en fin de compte qu’un rêve devenu cauchemar :
« Dans ces conditions, continuer à sublimer la transition démocratique en Tunisie fait passer le cynisme pour un raffinement de la pensée. Les Tunisiens ne s’y trompent pas : ils sont près de 60% à estimer que la révolution a échoué et plus de 80% à penser qu’elle a un impact négatif sur la situation socio-économique selon un sondage récent fait par les soins d’un institut de renom, le 17 décembre, date du déclenchement des protestations. Dix ans après, à peine 50% considèrent que la liberté d’expression est un acquis. Il y a en effet quelque chose de pathétique dans cette interminable transition : des partis mal aimés gagnent les élections, puis s’épuisent en conciliabules pour nommer un gouvernement de technocrates apolitiques convenables chargés de négocier des subsides avec des bailleurs de fonds indulgents avec le seul pays arabe – il faut l’admettre – où des élections ont lieu. Mais ma lassitude vient du fait qu’en dix ans la Tunisie n’a pas fait de progrès dans le domaine des mœurs. »
Pour donner plus de poids aux déclarations de Hamadi Redissi, il suffit d’ecouter les Tunisiens de la rue quand ils parlent de la révolution et de ce qu’est devenue la Tunisie dix ans âpres la révolution de l’Indignité, comme certains n’hésitent plus à l’appeler.
Les interrogations qui reviennent sur les lèvres des personnes en disent plus long qu’un discours, elles refeletent l’état d’abandon dans lequel le pays se trouvent aujourd’hui et le désarroi de la population, qui croyait avoir donné mandat a des personnes dignes de confiance et apte a conduire le pays vers la sécurité et la prospérité.
Les Tunisiens ont le sentiment aujourd’hui qu’ils sont orphelin d’une patrie qui les protège et qui leur donne le droit de l’aimer et de sentir en sécurité sur son territoire. Ils se demandent pourquoi se sentent ils méprisés et abandonnés, qu’ont-ils fait pour être des ans droit ni titre dans un pays qu’ils croient le leur ?
- Ils réalisent aujourd’hui qu’ils ont des partis politiques qui agissent comme des officines opaques dont les manœuvres tacticiennes n’ont d’autres objectifs que des règlements de comptes personnels et vengeances assassines.
- Ils se rendent compte qu’ils ont un parlement transformé en chambre noire qui sert à des manœuvres de manipulation et d’égarement de l’opinion publique en lui faisant croire que la situation est sous contrôle et que les institutions fonctionnent selon les règles de la constitution. Alors qu’il est émietté et morcelle entre les formations politiques dont les représentants n’hésitent pas à venir aux mains et se livrer aux insultes et autres langages orduriers dont la décence m’interdit de reproduire le contenu.
- .Ils observent que le gouvernement qui est chargé de diriger le pays et de présider à sa destiné est un jouet entre les mains de gourous qui tirent les ficelles dans le sens de leurs intérêts, en oubliant le peuple et ses attentes.
- Ils se retrouvent avec un président, en qui ils ont placé tous leurs espoirs, qui s’enferme dans un discours abscons et hermétique déconnecté de la réalité du pays et de la souffrance quotidienne des citoyens, et qui continue à croire ou a faire croire qu’il à la maitrise de la situation.
Par moment je me surprends à regretter le temps ou la Tunisie était considéré à tort ou à raison, comme le pays ami , ou les gens peuvent se ressourcer et prendre un bain de tolérance, d’hospitalité, d’amitié et d’ouverture culturelle. Dois je regretter le temps de la dictature ou le tunisien malgré l’oppression qu’il subissait se croyait maitre de son destin?