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A qui appartient le monde ?

« A qui donc appartient le monde ?, à aucune race en particulier. Il appartient, plus qu’a d’autres moments de l’histoire, à tous ceux qui veulent s’y tailler une place. Il appartient à tous ceux  qui cherchent à saisir les nouvelles règles du jeu, aussi déconcertantes soient elles, pour les utiliser à leur avantage » « Amin Maâlouf, les Identités Meurtrières. »

L’appartenance confessionnelle, ethnique, sociale, voire même linguistique de l’individu ne détermine pas forcement son appartenance identitaire. L’identité est un ensemble d’éléments qui s’acquièrent au fil de la trajectoire de vie. L’identité intrinsèque de l’individu se forme de toutes les expériences, qu’elles soient endogènes, « acquises au sein du groupe d’appartenance » , ou exogènes , « acquises à l’extérieur du groupe d’appartenance ethnique. » Le capital socio-culturel que la personne accumule au cours de son existence , fait qu’elle soit  singulière et unique.

Selon les références accumulées, l’identité est convoquée en fonction du but et de la finalité recherchée. Que le but poursuivi soit l’affirmation de soi et de l’appartenance éthno-centriste, confessionnelle ou linguistique, elle reste un élément qu’il faut traiter avec précaution.

Selon l’un ou l’autre objectif, l’identité peut être un déclencheur de tensions et de divisions, au lieu d’être un vecteur de cohésion, d’entente et d’enrichissement mutuel. Faire taire les tensions internes et ethnocentriste diminue les confrontation identitaires, qui crée une frontière symbolique entre les individus. L’expression de l’identité est source de rejet, quand elle est prise en référence pour évaluer l’autre et l’assigner à un groupe ethnique donné et figé dans des caractéristiques spécifiques. Si elle ne s’ouvre et ne se laisse imprégner par l’identité de l’autre et ne lui concède un espace ou elle peu s’épanouir, elle court le risque de se figer. «  Alain Pierrot  Professeur de philosophie et d’anthropologie à l’Université de Paris Descartes » remarque « Que les jeunes issus de l’immigration pensant et vivant en français, apprennent paradoxalement dans ce langage commun à se penser comme les autres de l’intérieur, leur image entrant ainsi en contraste avec celle du natif du français de souche et l’insistance sur leur intégration, renforçant ainsi la mythologie excluante de l’autochtone. »

Cela fait quarante quatre ans que je vis, je devrais plutôt dire installé en France. C’est dans ce pays que j’ai fait le choix de faire mes études universitaires, et le hasard a voulu que j’y rencontre des personnes qui m’ont donné l’envie de m’engager à leur côté dans la vie professionnelle. Le domaine de l’immigration m’a happé par le secteur du logement social réservé aux immigrés vivants en célibataires. Domaine ou j’ai exercé pendant presque trente huit ans. Quatre en tant qu’intérimaire et trente quatre en tant que cadre dirigeant. La vie a fait que j’y rencontre aussi, la personne qui partage ma vie depuis bientôt trente six ans et avec qui j’ai eu deux garçons, qui sont aujourd’hui deux jeunes hommes responsables pleins de vie et d’entrain, et qui remplissent ma vie de père de bien être et de fierté.

Pendant les quarante quatre ans j’ai toujours été traversé dans ma vie personnelle et ma vie professionnelle par toutes les questions qui touchent de prés ou de loin à l’immigration et au multi-culturalisme, ainsi que la question de la double appartenance culturelle et identitaire, tant et si bien que j’ai décidé de lui consacrer un peu de temps de ma vie de retraité, pour un tour d’horizon personnel de cette question ô combien complexe et sensible.

Dans ma vie personnelle la question de l’identité est présente tous les jours que dieu fait, puisqu’à la difficulté d’assumer mon identité dans une société d’accueil différente , je me suis engagé dans un mariage mixte avec une femme française de souche et qui avait envie de sortir des entiers battus de l’identité figée et enfermée sur des valeurs séculaires , et de réussir le pari de construire sa vie de mère de famille sur une complémentarité identitaire, qui demande un engagement mais aussi un renoncement à une partie de soi même.

Ce qui est risqué car en cas d’échec l’un et l’autre y laissent une partie d’eux mêmes, et ne sortent pas indemnes d’un tel défi.

Non seulement le couple y laisse comme on dit des plumes, les enfants aussi paient un lourd tribut, qu’on leur impose et pour lequel ils ne sont pas responsables.

Les compromis sont donc nécessaires et deviennent presque la règle pour mener un tel projet à son terme et que chacun y trouve l’épanouissement qu’il attend.

Aujourd’hui, si j’ai décide de faire ce travail et d’aborder ce sujet , c’est pour témoigner au reste de la société que la double appartenance identitaire et culturelle est une richesse et un facteur de réussite, à condition que l’équilibre soit assuré et aucune des deux identités ne prenne le pas sur l’autre.

Depuis trente ans, je n’ai pas l’impression que la double appartenance et l’ouverture à l’autre soit une réussite. Elle est considérée plutôt comme un échec et engendre plus de crispation que d’entente. Dans une confrontation identitaire ou chacun essaie de montrer que son appartenance identitaire est supérieure à l’autre , aucune partie n’est exempte de reproches. Elles ont chacune leur part de responsabilité  et j’ose espérer qu’un jour le fossé qui les sépare se fermera et qu’une passerelle , qui sera le lien entre les parties, sera bâtie et fera en sorte qu’une entente durable soit engagée.

Si j’ai décidé de mener ce travail , avec l’humilité qu’une telle entreprise impose, c’est pour aider mes garçons à avoir les éléments de lecture des strates qui forment leur identité et qu’ils aient la force de s’affirmer de part et d’autre en étant en équilibre sur leurs deux racines. Qu’ils n’aient pas peur du regard que la société française ou tunisienne porte sur eux. Qu’ils aient la force de mener leurs vies sans se soucier de ce que l’autre pourrait penser d’eux. Je forme le vœu que la société des hommes ne se limite à un regard sur deux personnes issues de deux cultures, sans prendre en compte la richesse humaine et culturelle dont ils sont porteurs. (A suivre)

MBA Expert en Politiques publiques et politiques sociales.

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